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Ce que dit l’Hôpital du Placard

J’ai reçu, six mois après les avoir consultés, le rapport du service de prévention des maladies professionnelles et de médecine du travail de mon hôpital préféré, dans un bâtiment ancien voué à une destruction ou à une rénovation prochaine. Au fond à droite du pavillon, dans un bâtiment qui aurait dû être fermé il y a vingt ans pour insalubrité. Quelles conditions de travail, pour ce personnel. Cependant, j’ai trouvé dans cette petite misère hospitalière plus d’écoute et d’empathie que le médecin du travail de mon entreprise dans sa tour BBC d’ivoire.

chu pavillon

Voici des extraits du courrier produit par cette vénérable bâtisse :

« Monsieur Duchmoll [le nom a aussi été modifié] rapporte passer des journées entières sans avoir de missions à accomplir. Ce qui entraîne l’impression de perdre peu à peu ses capacités et sa confiance en lui.  Il nous rapporte que lorsqu’il essaie de faire preuve d’autonomie, son travail est critiqué injustement [et j’y tiens] et est comparé à celui de son collègue.

Monsieur Luc Duchmoll a constaté une dégradation de son état de santé, notamment apparition de troubles digestifs [pour ne pas dire que j’ai la courante !], de troubles du sommeil, durant la période où son collègue était en vacances mais continuait à lui faire part de critiques par e-mail [et c’est à moi de me faire soigner ?].

Traitement actuel : pas de traitement [disons plutôt : mauvais traitements]

Discussion :

Bien que sans symptomatologie dépressive durable établie [sous-entendu ça peut venir vite], les conditions de travail décrites par M. Luc Duchmoll laissent entrevoir que sa situation risque de s’aggraver. Nous lui avons conseillé de négocier une rupture conventionnelle et de rechercher un autre travail.

Conclusion :

Départ de l’entreprise vivement conseillé [ils auraient dû préciser : d’urgence] pour éviter une décompensation sur le plan psychologique [quitter son emploi les pieds devant].

Mais vous verrez, quelques années après, vous irez mieux, monsieur K. Vous nous direz merci. »

Dans la trinité médicale de la prévention, du diagnostic et du soin, vous battez 2 à 0 votre confrère. Quand au soin, c’était la rupture, et j’étais le seul à pouvoir me le prescrire.

Quelques années plus tard, je vais mieux. Merci docteur,  pour le temps passé.

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Le médecin du travail

Enfin, c’est pas tout à fait « le » médecin du travail, c’est « mon » médecin du travail. Celui que je voyais tous les deux ans.

Première rencontre

D’abord, j’ai pensé qu’il ne m’inspirait pas plus que ça la santé, mon médecin. Bon, le teint jaunâtre, les yeux bien rouges, les traits émaciés, ça ne va pas à un médecin, même s’il ne soigne que le travail.

Plus tard, j’ai relativisé, je me suis dit qu’eux aussi, avaient le droit d’être malades. Je me suis toujours demandé : quand on est médecin, qui va-t-on voir pour ses petits bobos ?

Je voudrais bien le demander à Madame Jaddo (ou mon généraliste-que-j’aime-bien)  : qui allez-vous voir quand vous êtes pâles, quand une petite grippe vous vient, quand vous êtes patraques, quand une verrue vous colle au pied ?

Revenons au Docteur Henri. Ce n’est pas son vrai nom, mais il a une tête à s’appeler Docteur Henri.

Les premiers rendez-vous, tout s’est bien passé, il paraissait aux aguets de la petite santé mentale de ses patients. Bien attentif à poser des questions sur l’ambiance, la direction, etc… Je l’aimais bien, il avait l’air attentif. Enfin un médecin du travail qui ne me dit pas d’arrêter de fumer mes quatre clopes par mois à chaque rendez-vous, malgré mes maux de dos et mes yeux injectés de sang à passer huit heures par jour devant un écran. Bonne pioche.

700-256205-Diplôme de médecine légale du travail

La contre-visite médicale

Mais cette médecine-là du travail, elle marche bien, très bien, elle est même redoutable pour parler des problèmes qui n’existent pas. Vous me direz, quand on n’est pas difficile, on peut se contenter de ça. L’empathie, c’est peu, mais c’est déjà quelque chose. Ça rassure.

De l’eau est passée sous les ponts. On m’y a poussé dans l’eau et je ne suis noyé dans la souffrance au travail. Sorti de l’eau, il m’en restait des litres dans les poumons, je finis à peine de les cracher.

Je m’était rappelé des premiers rendez-vous. Pourquoi ne pas tenter d’y trouver de l’aide ? Je prends un rendez-vous.

Là, je me suis demandé : soit mon médecin n’aimait pas qu’on prenne un rendez-vous sans attendre les deux ans de la visite médicale obligatoire, soit mon médecin a subi depuis une trépanation qui l’a rendu tout changé de l’intérieur.

– Bonjour.

– Bonjour. Qu’est-ce qui vous amène ? Le contrôle technique obligatoire, c’est tous les deux ans.

– J’ai un petit problème au travail. Depuis bientôt un an, plus de travail… isolement… quand je parle de souffrance au travail, on m’engueule… blabla… dépression en vue… blabla… idées noires (sans réaction, j’en rajoute)… blabla… perdu 6kg (retrouvés depuis, merci)… blabla. Point [je pense que toute ma personne exprimait quelque chose de dur et pesant]

– Et qu’attendez-vous de moi ?

– Je suis en train de vous dire que mon employeur me harcèle, qu’il y a eu des précédents dans l’entreprise, que ma santé est en jeu et vous me demandez ce que j’attends de vous ?

– Alors quittez l’entreprise si c’est trop dur. Moi, je ne peux rien faire pour vous.

– Bonne journée.

– Merci, vous aussi.

Je me suis demandé s’il n’avait pas pris soin, dans le passé, des salariés de France Télécom-Orange. Je n’ai pas osé lui posé la question.

Bref, encore un praticien qui ne contribue pas à l’image de marque de sa spécialité. Médecine attachée à la seule prévention des dommages liés au tabac, aux risques psychosociaux, aux maux de dos voir même aux maladies urologiques. Le premier médecin du travail que j’avais consulté avait l’air inquiète du dépistage d’un peu de sang dans mes urines, mais ne semblait pas du tout intéressée par les sons stridents que nos casques de centre d’appels laissaient parfois échapper en plein dans nos jeunes oreilles. Mais, vous comprenez, on ne peut pas vérifier.

Que des maux deviennent une réalité et le spécialiste sombre dans la fadeur du  constat d’échec. Qu’attendez-vous de moi ? Finalement, il n’avait pas tout à fait tort. Il avait même franchement raison, peut être sa question faisait-elle écho à ses interrogations personnelles. Que dois-je attendre de mon travail ? Car, ce médecin-là ne pouvait pas soigner, il ne pouvait, semble-t-il, être autre chose que le témoin muet d’une maltraitance sourde et isolée. Fin de la consultation. Rideau.

Cette médecine du travail-là, c’est un contrôle technique qui dit toujours « oui ».

auto-depistage

Deux ans avant, il m’a aussi remis une fiche d’information sur « l’auto-dépistage » du cancer du testicule (la serviette autour du cou est indispensable). Je vous avoue que c’est perturbant car, après coup, je me demande si cette fiche ne comportait pas un message subliminal…

Une chose est sûre, même si le service de médecine du travail de l’hôpital, avec quelques internes dans des locaux presque insalubres (bat. chir. 2, sobrement), on fait bien mieux que Dr Henri dans bâtiment BBC flambant neuf en m’écoutant sans trop m’interrompre. L’empathie, c’est simple et ça change tout !

Mais quelques années après, avec ou sans médecine du travail, je vais mieux. Merci Docteur.

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